Et demain, qu’est-ce qu’on mange ? Les débats territoriaux sont lancés
Hier 22 avril 2014 la date donnait le ton : c’était la journée internationale de la terre nourricière. Et c’était également le premier des 5 forums territoriaux organisés dans le cadre du débat public initié par le Conseil régional sur le thème de l’alimentation.
L’organisation est à l’initiative de Myriam Cau vice-présidente «Développement durable, démocratie participative et évaluation» et Jean-Louis Robillard vice-président «alimentation, régionalisation de l’agriculture et ruralité».
La « petite » commune du Quesnoy (5 000 habitants) a fait très fort et rassemblé une centaine de personnes dans la salle du Centre Lowendal. Le thème de ce premier forum : circuits courts et longs, emploi, gaspillage.
Le territoire de l’Avesnois a permis d’avoir une approche territoriale des enjeux de l’alimentation.
Jean-Baptiste Traversac, ingénieur de recherche à l’INRA-AgroParisTech a lancé le débat avec quelques rappels concernant notre alimentation actuelle : une sécurité sanitaire satisfaisante, des besoins quantitatifs globalement plus que comblés, l’impact des produits phytosanitaires sur la santé des mangeurs et surtout d’après lui sur les professionnels qui les utilisent (ce qui a provoqué des réactions dans la salle.), leur impact sur l’environnement et notamment la pollution des eaux dans certains endroits, la non auto-suffisance des territoires etc.
Les questions qui découlent de ces observations sont les suivantes :
1- Quelle réinscription de l’agriculture dans un espace local ? La problématique est de reconnecter les mangeurs et les producteurs, c’est-à-dire les consommateurs avec les agriculteurs car ils se sont éloignés avec l’intensification de l’agriculture depuis les années 60 / 70.
2- La revalorisation sociale de l’agriculteur. Il n’est pas simplement un « collecteur » de prime PAC. Il est nécessaire que le consommateur sache combien il est difficile de produire et que l’agriculteur fait un métier dur et complexe.
3- L’agriculture locale a besoin d’être remise sur le devant de la scène. Les agriculteurs on besoin d’échanger sur le plan social, technique et économique. Pour cela ils ont besoin de réseaux.
4- Encore trop souvent et violemment s’opposent le système de production dominant de l’agriculture conventionnelle et la production bio à moins grande échelle. Alors que pour avancer, l’opposition des deux systèmes devrait laisser place à l’innovation donc chacun peut faire preuve.
Bref : il est utile de rediscuter au plan local pour redonner du sens et une identité à la production et à la consommation.
Hier soir dans la salle les interventions ont souligné les souhaits et les préoccupations des mangeurs, des agriculteurs, des artisans et des restaurateurs.
Ces éléments permettront de travailler sur le schéma de gouvernance alimentaire à mettre en place dans le Nord – Pas de Calais.
Les propos tenus hier soir sont regroupés en différents thèmes :
LA SANTE
Il est clair que le consommateur s’inquiète de sa santé et des effets des produits phytosanitaires dans les assiettes et dans l’environnement. Sur ce point les agriculteurs -qui sont formés sur ce sujet- affirment que l’utilisation des produits chimiques n’est plus systématique comme elle a pu l’être. Le souci se pose néanmoins sur la pollution des eaux. Autre inquiétude : le développement de l’obésité dans notre région ainsi que le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Nos habitudes alimentaires sont déviées par l’abondance des propositions. Il faut réapprendre à bien manger et éduquer les jeunes. La restauration scolaire (introduction de produits bio) et l’information qui peut être donnée dans ce cadre sont des questions à prendre en compte.
LOGISTIQUE ET VENTE
Tout ne passera pas par les AMAP. Il existe depuis toujours la vente directe, le regroupement de plusieurs agriculteurs dans un même point de vente. Ces modes de distribution correspondent au souci actuel de créer du lien entre consommateur et producteur. Une relation de confiance s’instaure et l’agriculteur peut faire prendre conscience de la difficulté de son métier. Le local répond aussi aux questions de pollution causées par le transport (diesel, GES.). Il faut bien entendu dans ce cadre que le producteur soit payé pour le service rendu, ce qui n’est pas encore forcément le cas.
N’oublions pas dans ce chapitre, les artisans – distributeurs. Ils s’approvisionnent souvent localement et créent des emplois non délocalisables (Commerce de proximité). Sans oublier leur savoir faire de transformateur qu’ils ne demandent qu’à transmettre aux générations futures.
D’où la nécessité de travailler à l’organisation de filières complètes : du producteur au consommateur. Il pourrait être intéressant de créer des plateformes logistiques d’approvisionnement sur chaque grand territoire (Notamment pour la restauration scolaire)
LES PRIX
La part de l’alimentation dans le budget des ménages est de 11% et elle a beaucoup diminué avec les années. C’est cependant toujurs le consommateur qui «vote» avec son caddy ou son panier. C’est lui qui décide du contenu de son assiette et devient soupçonneux envers les grandes surfaces et les intermédiaires (cf les crises alimentaires).
C’est le mangeur qui dans l’absolu veut manger bon, local, au juste de prix. Mais est-il prêt à payer le « juste» prix alors que le supermarché du coin lui propose des prix défiants toute concurrence ?
Il est nécessaire qu’il soit mieux informé, du contenu, de la provenance, du travail du producteur. Tous ces éléments entrent en ligne de compte pour déterminer un prix de vente qui rémunère justement l’agriculteur.
Evoquons rapidement la PAC en cours de renégociation. Elle a permis jusqu’ici de produire en masse et c’était nécessaire pour nourrir tout le monde à des prix raisonnables, mais aujourd’hui il faut évoluer et se pose le problème des primes à l’hectare qui défavorisent les petites surfaces agricoles. L’agriculture doit redevenir plus humaine !
AGRICULTURE CONVENTIONNELLE CONTRE AGRICULTURE BIO
N’est-il pas temps de dépasser ce clivage ? Tous les agriculteurs sont des «créateurs de richesse» et dans le Nord – Pas de Calais l’agriculture est le premier employeur régional.
Pourquoi continuer à s’opposer alors que l’agriculture a besoin de s’organiser en filières, de se fédérer pour mieux travailler et mieux faire connaître la qualité du travail. Et plutôt que l’opposition c’est l’innovation qui fera avancer les choses, et dans ce domaine chacun peut apporter sa pierre à l’édifice.
LE FONCIER AGRICOLE
Notre région est une « spécialiste » de l’artificialisation des terres. Chacun veut maison et jardin, les ZAC se multiplient. La régulation ne se fait pas correctement et certains remettent en cause le rôle de la SAFER et de la commission préfectorale. Il est nécessaire de gérer le foncier dans une logique d’installation des (jeunes) agriculteurs (voir le PRTCA Plan Régional de Création et de Transmission en Agriculture). Sans oublier que c’est l’agriculture qui détermine notre environnement et les paysages qui nous entourent.
MIAM !
Le goût ? C’est une préoccupation importante. Forcément avec les produits locaux qui ne voyagent pas on retrouve la qualité dans son assiette.
Le mot de la fin pour l’Association Les Sens du Goût du Quesnoy et son représentant Antoine Demailly : «Plus on connait son produit, plus on a de plaisir à le manger. Plus il connait son agriculteur, plus le mangeur est intéressé par ce qu’il mange».
Cette association soutient un projet de création d’une maison de l’alimentation en Avesnois et organise régulièrement des ateliers et des activités autour de la cuisine et de l’alimentation pour grands et petits.
Ils ont participé au débat :
Chantal, agricultrice et adhérente de la Confédération Paysanne
« Consulter la population c’est vraiment très intéressant car on peut en ressortir des demandes, des attentes des consommateurs… le plus difficile est de les faire venir… »
« Avec mon mari nous faisons la promotion d’une petite agriculture familiale et qui procure du travail. Nous voulons continuer à garder des campagnes vivantes et que des familles puissent vivre de l’agriculture.»
Laurent, citoyen et adhérent de Terre de Liens
« On a la chance d’avoir des produits de qualité en Avesnois sur des circuits courts… »
« Le débat entre les agriculteurs conventionnels et les agriculteurs bio est assez clivant. Mais il faut en passer par là : c’est une question de fond, de société… Aujourd’hui la majorité des gens ne cherchent pas ailleurs ce qu’ils trouvent au supermarché à un prix intéressant ; il faut communiquer davantage sur la qualité des produits et sur les impacts sur notre santé. Est-ce que beaucoup seraient prêts à faire une démarche citoyenne pour une bonne alimentation ? »
Véronique, citoyenne adhérente de l’association « Les sens du Goût »
« Je milite pour une alimentation saine et plaisir. J’essaie de trouver sur ma région une alimentation locale et de qualité »
« Je trouve qu’il faut soutenir les agriculteurs qui font de la qualité ainsi que les commerçants qui vendent de la qualité. J’ai un côté écologiste et j’ai l’impression que notre région a besoin d’aller vers cela, parce qu’elle a déjà été bien touchée par l’industrialisation et la pollution des sols et que je pense ça fait partie de son avenir »
Les débats continuent :
CALAIS – Jeudi 24 avril de 18h à 21h au Channel LILLE – Mardi 6 mai la Gare Saint Sauveur de 18 h à 21 h ARRAS – Mercredi 14 mai à la Cité nature de 18 h à 21 h LOOS-EN-GOHELLE – Mardi 20 mai à Culture Commune de 18 h à 21 h La restitution aura lieu le 27 juin prochain. Le débat se prolonge sur internet Des infos sur le lancement du débat public sur l’alimentation Plus d’infos sur l’instance régionale de débat public