Gouvernance alimentaire : témoignage d’une élue

Virginie Drapier, conseillère régionale et référente sur le contrat d’agriculture et d’alimentation périurbaine entre la Région et LMCU (Lille Métropole Communauté Urbaine) a suivi les débats et témoigne.

Gouvernance alimentaire, méthode écologiste et participative
« Nous sommes dans un exercice régional où certains acteurs ne voient pas forcément l’intérêt d’aller rencontrer les différentes parties prenantes. Clairement, je pense que la chambre d’agriculture ne comprend pas pourquoi la Région vient s’intéresser à l’alimentation et pourquoi les élus ne se contentent pas d’une politique classique d’agriculture où l’on ne s’adresse qu’aux agriculteurs.
En ces temps de transition nécessaire et indispensable qui nous font envisager de nouveaux systèmes de fonctionnement le regard écologiste s’élargit à une nouvelle vision de l’économie, notamment dans le secteur de l’agriculture et le long de toute la chaîne qui nous alimente : producteur, transformateur, distributeur et le mangeur. (Circuits courts, santé environnement etc…)
Dans les semaines qui ont précédé cette rencontre, les différents acteurs se sont rencontrés entre pairs ; acteurs milieu agricole, acteurs associatifs, acteurs distribution etc… Le 6 juin, tous se sont retrouvés autour de premières conclusions.
Cette fois les groupes de travail étaient composés d’acteurs différents : une ou un agriculteur-trice, un-e consommateur-trice, un-e associatif-ve…

Ils ont fonctionné en partant de deux principes simples :
– chaque acteur est mangeur, donc on est chacun responsable et co responsable de cette chaîne alimentaire
– chacun a donc également une responsabilité sur l’espace agricole
Personnellement j’ai utilisé le terme espace alimentaire et j’ai senti une écoute plus attentive. Nous avons travaillé sur les conclusions des rencontres par pairs et cette méthodologie est intéressante. »

Une vision mondiale de l’alimentation

« L’intervention de Marketa Braine Supkova qui représente l’International Urban Food Network m’a conquise. Je me suis rendu compte que le sujet de l’alimentation est repris actuellement au niveau des réflexions mondiales. Entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud les regards sont totalement différents.
Le nord est davantage attentif à la préservation de l’environnement, à la biodiversité, alors que le sud se pose la question de la sécurisation de l’alimentation, aussi bien au niveau sanitaire qu’au niveau de la quantité.
Les regards sont différents selon les peuples du monde. La démarche que nous avons entamée avec Jean-Louis Robillard et la Région est pertinente car elle interroge aussi la durabilité des territoires. En tant qu’écologistes nous avons depuis longtemps cette approche systémique territoriale. Des temps d’échange comme celui là permettent aussi de diffuser nos idées. Une expression a été prononcée plusieurs fois : ne pas avoir une approche « en silos ». C’est très bien ce mot là car il a un lien avec l’agriculture… »

2013 photo tabloe ronde gvn ali 2 le 6 juin

Un avis extérieur sur notre travail

« Dans son intervention, Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques Lille 2 a souligné notre démarche : un véritable exercice de démocratie participative. Et sur une échelle importante comme ce n’est pas encore souvent le cas.
Ce temps expérimental et d’exploration de la mise en débat d’une politique régionale est vraiment original. Souvent la démocratie participative tente de trouver du consensus ; dans le cas présent, il y aura des consensus et également des clivages. Ceux-ci peuvent avoir un côté positif : il faut trouver les leviers pour les dépasser.
Avoir un éclairage extérieur et approbateur est encourageant. Cela nous permet de penser que la démarche est pertinente, que l’on va réussir à faire bouger les lignes pour les acteurs incontournables. Nous réussirons, malgré les réticences, à les persuader qu’il faut que les choses changent et que nous y arriverons ensemble ; Parce que c’est aussi l’avenir de leur métier qui est en jeu. »

cerises - Copie

L’alimentation, c’est vital !
« Après la respiration, l’alimentation est la première chose que vit l’être humain quand il naît. Nous sommes tous mangeurs et nous sommes tous confrontés à la consommation, nous achetons et faisons des choix : grande surface ? marques ? quelle part de mon budget pour l’alimentation ?
Les mangeurs se posent des questions : d’où vient leur nourriture ? Pourquoi des dysfonctionnements dans la chaîne alimentaire ? Les gens s’y intéressent car c’est leur quotidien. Les approches sont différentes en fonction de l’âge. Jeune ou ado on peut tout avaler sans problème, puis en devenant des parents, on s’interroge sur ce qu’on donne à manger aux enfants… vient aussi la question : leur laissera-t-on une planète où il fait bon vivre ? La terre agricole, nous entoure et constitue nos paysages, les couleurs que l’on voit. Le monde agricole c’est ce qu’on met dans notre assiette avec des conséquences sur l’ensemble de notre environnement quotidien : l’industrie agro alimentaire, le marché de proximité, le maraicher, la cantine, l’entreprise, la restauration collective, c’est énorme. »

Nos priorités d’écologistes
« Nos priorités sont l’aménagement du territoire, la santé, la diminution des intrants dans l’agriculture, la diminution des contaminations croisées par les pollutions que ce soit dans la nourriture ou dans l’eau. La Région doit être présente sur les actions relevant des directives européennes sur les nitrates. Dans un autre sens la Région pourrait tout en restant dans le cadre de la réglementation des codes des marchés publics faire de véritables choix et par exemple fournir les cantines des lycées en produits bio ce qui renforcerait les filières régionales. En matière de bio, l’exemple des parcs naturels dans lesquels les productions bio sont utilisées en restauration collective est encourageant. Mais le 100% bio n’est pas pour demain… et il faut faire avec la PAC (300 millions d’Euros) qui encourage les productions importantes. Les aides régionales ne font pas le poids.
Ce qui fera bouger les choses hélas : les crises alimentaires, les bouleversements climatiques à venir. En attendant, patience… et continuons à convaincre de la viabilité économique de l’approche écologiste de l’agriculture et de l’alimentation ! »

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