Budget 2013 : Position de vote du groupe EELV

Intervention générale de Jean-François Caron, président du groupe, sur le Budget 2013.


Monsieur le Président, Chers collègues,

 

Chaque année, l’explication de vote sur le budget permet à chaque groupe de repréciser ses fondamentaux, et d’en donner une feuille de route annuelle. Cette année donc, il n’y aura pas de scoop, et il y aura surement beaucoup de répétitions. Mais, la pédagogie, c’est la répétition. Cependant, il y a un élément nouveau majeur : c’est la fin du monde !

La fin du monde ? En tout cas, celle prévue par les Mayas !

Mais mon intervention va se placer sous cet angle, celui d’un monde qui s’éloigne, et d’un autre qui émerge.

 

Pour nous, écologistes, c’est une évidence, la succession des crises et leur ampleur grandissante signent la fin d’un modèle.

 

La crise écologique est majeure. La prise de conscience se fait partout dans le monde, rappelons-nous les larmes du négociateur des Philippines à Doha… Finalement, elle est assez simple à comprendre : les ressources de la planète ne sont pas infinies, on ne peut rejeter indéfiniment dans l’atmosphère sans retentissements majeurs sur le climat, et la perte continue de biodiversité est la conséquence directe des impacts de nos activités. Même les Etats-Unis d’Amérique, si suffisants parfois, sont pétrifiés et inquiets depuis que l’ouragan Sandy a frappé New York. Sans oublier les 100 morts d’Haïti !

 

La crise de l’accès aux ressources entraîne la crise énergétique qui elle –même va entrainer la crise économique et sociale, avec l’augmentation des coûts pour se chauffer, se déplacer. Quand la ressource devient rare, toujours, ce sont les plus pauvres qui sont atteints en premier. Les crises écologiques sociales et économiques sont donc bien liées, même si bien d’autres facteurs viennent aggraver la situation.

 

Peut-être, pour certains, tout ceci parait bien exagéré ou encore lointain, peu concret. Finalement, pas prioritaire. C’est sans doute ce qui fait la différence entre les écologistes et bien d’autres membres de l’assemblées.

 

Et pourtant, comment ne pas voir une cohérence entre ces grandes catastrophes et, par exemple, les inondations que nous avons connues début novembre dans le Pas de Calais ? Comment ne pas faire le lien entre la pollution de nos sols, de notre air et les taux de cancer dans notre région ? Comment ne pas faire le lien entre l’érosion des sols, la dégradation de nos cours d’eau, des zones humides et la disparition de la biodiversité : en 30 ans, 30 espèces végétales ont disparu de notre région, tout comme le castor ou la loutre.

 

Mais si on prend plutôt une entrée par la crise sociale, finalement on arrive aux mêmes constats sur l’urgence d’agir.

Quand les précaires n’ont jamais été aussi précaires, quand les usines ferment à cause de l’obsolescence de modèles économiques, quand le prix de l’énergie flambe, qui souffre le plus ? Evidemment, ceux qui sont déjà les plus pauvres. En exemple : mardi dans ma commune, un habitant au RSA vient me demander, en rendez-vous population, une aide CCAS pour du chauffage car il ne peut chauffer sa maison au-delà de 13°, et son petit fils doit venir pour noël !

 

Quelle que soit l’entrée donc, actons que la crise est grave, globale, systémique, irréductible. Un certain modèle est mort, il s’agite encore, mais chaque mois qui passe, sa survie est de plus en plus compromise.

 

Est-ce une bonne nouvelle est-ce une mauvaise nouvelle ? C’est selon ! Chacun en fait sa lecture.

En tout cas ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons nous contenter de constater, il faut agir.

 

2 – C’est là où intervient notre équation budgétaire.

Pour répondre aux enjeux considérables que nous avons à affronter, nous avons besoin d’action publique pour accompagner, innover, soutenir.

 

Sur ces bancs, certains ont comme doctrine, comme horizon, le repli sur soi, la                   fermeture, l’élimination de l’autre comme un concurrent, le retour « Au bon vieux temps ». Cela s’appelle « la Réaction ».

 

D’autres défendent une entrée d’émanation libérale, considérant que finalement, le marché va réguler tout cela, et que le poids de l’intervention publique est beaucoup trop lourd.

 

Nous sommes en opposition radicale à ces modes de pensée !

Oui, il nous faut de la puissance publique. Oui, nous devons avoir les moyens financiers pour entreprendre Car sans intervention publique, quels seront ceux qui s’en sortiront, et quels seront ceux qui resteront sur le carreau ?

 

Bien sûr, il faut traquer le gaspillage, la dépense inutile, c’est ce qui est fait, et depuis plusieurs années.

 

Mais la région, niveau privilégié d’intervention entre le local et le macro, doit avoir les moyens de ses ambitions.

Espérons que l’acte III de la décentralisation ira dans ce sens, d’autant que dans l’esprit  de la loi, c’est bien le niveau régional qui a la responsabilité du développement.

 

Garder de la capacité d’intervention nous oblige donc plus que jamais, à prioriser, sans relâche au service de 2 priorités :

 

–         conduire la transition ;

–         accompagner, protéger les territoires et les personnes frappées, pénalisées par la mutation.

 

 

3 – Conduire la transition, c’est d’abord de redonner du sens, de la vision. J’ose dire un nouvel imaginaire.

 

Car, bien sûr, la transition est difficile, complexe.

 

–         Le changement de modèle ne peut être pensé que systémique

Exemple : gouvernance alimentaire

 

–         Changer de modèle, c’est … Changer ! Et la résistance au changement, c’est une tendance lourde ancrée en nous

Peur de l’inconnu, résistances multiples de ceux qui ont peur de perdre, inerties en tout genre, … volontairement ou non, la facilité est de s’accrocher au passé, de vivre en regardant dans le rétroviseur.

 

 

C’est pour cette raison que nous avons besoin d’une étoile qui nous guide, qui nous fait rêver, qui nous fait nous mettre en marche. J’ai été frappé de l’effet Rifkin, qui en une matinée a fait bouger plus de lignes que des centaines de rapport très sérieux.

 

Mais nous avons aussi besoin des petits cailloux blancs qui vont baliser ce chemin nouveau.

 

Alors oui, nos schémas stratégiques sont fondamentaux car ils indiquent où est le sens, la vision (SRADDT, plan climat, SRCAE, SRDE, SRTM, etc.). Intermédiaire entre planification et politiques opérationnelles, la démarche TESR, basée sur de l’expérimentation concrète, est plus indispensable que jamais.

 

Et oui, nos constructions du quotidien, nos réussites du quotidien sont fondamentales. Car elles balisent la voie, elles rassurent, elles donnent envie d’aller plus loin. Notre groupe réaffirme donc son soutien à l’action de l’exécutif et plus particulièrement des cinq vice-présidents écologistes :

 

Merci à Myriam Cau d’avoir fourni un énorme travail sur la réactualisation du SRADDT, d’œuvrer au déploiement du Budget Participatif des Lycées, etc.

 

Merci à Emmanuel Cau pour son engagement sans faille sur le plan Forêt qui est essentiel dans cette région qui en manque tant, pour la montée en puissance du plan 100 000 logements, à la confluence de nos préoccupations environnementales et sociales.

 

Merci à Sandrine Rousseau de créer des synergies et une cohérence de l’enseignement supérieur en région, de tisser des liens entre recherche et société avec le programme Chercheurs Citoyens, de faire de la recherche un des leviers du changement de modèle.

 

Merci à Jean-Louis Robillard de ne pas ménager ses efforts sur le plan Bio, pour que notre agriculture soit enfin durable : pour nos sols, pour notre santé, pour la dignité de nos agriculteurs.

 

Merci à Majdouline Sbaï enfin, de défendre notre vision du monde, un monde ouvert, qui s’affranchit des frontières pour innover, un plus juste et solidaire. Nous écologistes pensons que nous avons tout à apprendre de la diversité des peuples qui vivent sur cette planète, et nous continuerons à défendre sans relâche cette politique.

 

Merci enfin aux dix vice-présidents socialistes et au Président, Daniel Percheron, pour leur engagement dans les neuf Opérations de Développement de la Transformation écologique et sociale de la Région. Cela témoigne d’une convergence au sein de notre exécutif. Quel chemin parcouru depuis 1992, nous nous en félicitons !

 

La mutation est difficile, mais elle peut aussi être riche. Elle peut être vecteur de mobilisation citoyenne, d’engagement générationnelle, d’esprit de responsabilité.

Elle peut nous amener à reconsidérer ce qu’on appelle la richesse, redécouvrir la valeur de la vie, du vivre ensemble plutôt que l’addiction à nos modèles excessivement matérialistes.

 

4 – Mais, dans notre monde en mutation, beaucoup sont désemparés. Leur métier change, leur salaire change, l’emploi s’éloigne.

Et c’est notre responsabilité collective en atténuant l’effet des crises, de les protéger, de les aider dans cette transformation.

Je pense bien sûr à l’aide aux secteurs économiques en difficulté mais aussi aux mesures environnementales d’urgence pour améliorer la robustesse du territoire et la santé des habitants. Je pense aussi, évidemment, aux emplois d’avenir et à la politique ambitieuse de la région d’accompagnement de ce dispositif national mais aussi son orientation vers la conversion et l’ESS.

 

5 – Alors, oui, c’est un travail difficile, avec peu de moyens.

 

Notre groupe affronte, avec d’autres, l’exercice du pouvoir et son lot de difficultés, d’échecs.

 

On assume un chemin de crête exigeant.

Nous gardons, dans chacune de nos cellules, un ADN de lanceurs d’alertes. Et quand nous avons le sentiment que des décisions politiques de long terme vont à contre sens, alors nous nous engageons, nous entrons en résistance. C’est l’ex de notre position sur Notre Dame des Landes, où nous estimons que la pensée unique en faveur du gigantisme, du prestige, est en contre sens du respect des espaces naturels et agricoles, des choix de développement moins impactant pour le réchauffement climatique.

 

Comme nous nous opposons sur l’EPR, passé de 3 milliards à 8 milliards, alors qu’on peine à trouver des financements pour un vrai soutien aux énergies renouvelables.

 

Mais, en même temps, nous assumons la prise de responsabilité. Parce que les urgences augmentent. Et parce que pour la construction du long terme, nous voyons bien que si dans les discours, beaucoup partagent notre analyse, quand il s’agit de faire des choix, alors souvent on rabat les ambitions, et on se contente d’un suivisme face à la situation

 

 

A l’heure de la conclusion, vous aurez compris que dans cette période de transition, de cohabitation de deux modèles, nous assumons nos responsabilités dans l’exécutif.

Nous serons de toujours vigilants face à des choix qui iraient  en sens contraire de la profonde mutation en cours.

Mais nous serons aussi de plus en plus outils actifs et incisifs pour porter le changement de  paradigme, et les nécessaires transformations et innovations.

 

Beaucoup d’entre vous m’ont félicité, et je les remercie, pour cette année 2012 qui fut pour moi si exceptionnelle, le Louvre à Lens, et l’histoire des mineurs au panthéon de l’histoire de l’humanité.

Il aura fallu 10 ans pour mener à bien ce dossier.

Et avant cela , 15 autres années pour murir ce projet, et participer à la mutation sociétale qui aura permis son émergence, son acceptation sociale.

Alors, oui, nous serons persévérants, constructifs et pugnaces face à cette exigence de transformation profonde de notre région. Agir vite face aux urgences et accepter le temps long de la mutation, sans relâche !

 

Je vous remercie.

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